Le berceau de l’humanité

Il y a plus de 8.000 générations et au del
à

1- Le premier ancêtre

 

Pour des raisons techniques, l’étude génétique de l’ADN mitochondrial a précédé d’une quinzaine d’année celle du chromosome Y.[1] Dans les années 80, Allan Wilson fut à la pointe de cette recherche dans son laboratoire de l’université de Berkeley. Il découvrit rapidement que certains marqueurs étaient communs à une grande partie de la population. En 1987, il publia un article révolutionnaire dans la revue Nature : Il y révélait que toutes les femmes vivant sur la terre aujourd’hui ont un ancêtre maternel commun : baptisée Mitochondrial Eve (en anglais) ou en abrégé « M-Eve ». Wilson donnait également une date et un lieu d’origine de cet ancêtre commun : Mitochondrial Eve aurait vécu il y a 200.000 ans en Ethiopie. Cette nouvelle d’abord reçue avec scepticisme fut rapidement confirmée par les études ultérieures. La date fut quelque peu affinée : 160.000 ans puis 140.000 ans. Durant les années suivantes, on s’attela à l’étude du chromosome Y et en 1997 deux équipes différentes[2] arrivèrent à la même conclusion: Tous les hommes vivant aujourd’hui ont un ancêtre paternel commun baptisé « Y-chromosomal Adam » (ou en abrégé « YC-Adam »).  YC-Adam vivait aussi en Ethiopie mais à une période plus récente que M-Eve, il y a seulement 60.000 ans.

 

Pourquoi M-Eve et YC-Adam vivaient à des périodes différentes ?

La raison de cette différence vient du fait que M-Eve et YC-Adam ne sont pas les premiers ancêtres de notre espèce mais bien les derniers ancêtres communs des lignées exclusivement masculine et féminine de l’humanité. C'est-à-dire que les autres hommes vivant à la même époque que YC-Adam n’ont pas laissé de descendance strictement masculine. Seule la ligne de YC-Adam a propagé son chromosome Y jusqu’à aujourd’hui. Même chose pour M-Eve ; les autres femmes de son époque n’ont pas laissé de descendance strictement féminine. Le fait que le dernier ancêtre commun féminin est plus ancien que le dernier ancêtre commun masculin est probablement une conséquence de la manière de vivre des tribus primitives où les mâles dominants fécondaient plusieurs femmes, alors que les mâles faibles n’avaient aucune femme. Dans ce schéma, les lignées masculines bénéficiaient de moins de diversité génétique que les lignées féminines.

 

Par contre, si les autres femmes et hommes de l’époque de M-Eve et YC-Adam n’ont pas laissé de lignée strictement féminine ou masculine, certains ont laissé des descendants (par des lignées qui contiennent des hommes et des femmes). En fait les lois statistiques démontrent que dans cette petite population originelle qui vivait en Afrique de l’Est il y a 100.000 ans, les individus se décomposent en deux catégories : ceux qui sont ancêtres de toute l’humanité actuelle, et ceux qui n’ont laissé aucun descendant actuel. Ainsi en résumé, l’humanité actuelle (et donc notre famille) descend d’un petit groupe d’hommes qui ont vécu en Afrique de l’Est entre 140.000 et 60.000 ans. La lignée purement féminine a commencé à se diversifier dès 140.000 ans, date à laquelle vivait M-Eve. La lignée purement masculine n’a commencé à se diversifier qu’il y a 60.000 ans, date laquelle vivait YC-Adam.

 

L’apport de l’archéologie

Le raisonnement statistique précédent peut évidement se poursuivre à la période antérieure à YC-Adam et M-Eve, car si les cousinages de l’humanité découlent de ces lignées, il est évident que les cousinages sont présent aussi en amont même s’il est actuellement impossible de le prouver. Ainsi la population originale décrite précédemment  était évidemment déjà composée d’individus liés entre eux (avec parents, oncles, cousins, etc..). Le fait qu’on ait trouvé un unique chromosome Y et un unique ADN mitochondrial à l’origine de toute l’humanité n’est probablement pas un hasard mais la conséquence directe des lois de sélection naturelle de Darwin. Il est fort à parier que cette évolution soit aussi vraie pour chaque gène de notre corps. Ainsi il est probable que la science découvrira bientôt que toute l’humanité actuelle descend d’un seul homme et d’une seule femme ayant « émergé » par mutation d’une race plus archaïque : Adam et Eve. Etant morphologiquement « supérieurs » à leurs ancêtres ces individus auraient alors rapidement supplanté leurs congénères suivant les principes d’adaptabilité développés par Darwin. La question est alors, où et quand ont vécu Adam et Eve ?

Dans son langage imagé, la tradition biblique a souvent apporté des réponses aux questions universelles que les hommes de tous temps se sont posés, comme : « D’où viens-je ? » et « Où vais-je ? », le présent seul étant dans la sphère d’influence du « moi » :

« Le Seigneur Dieu modela l'homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. » Gn 2,7

« Le Seigneur Dieu fit tomber dans une torpeur l'homme qui s'endormit; il prit l'une de ses côtes et referma les chairs à sa place. Le Seigneur Dieu transforma la côte qu'il avait prise à l'homme en une femme qu'il lui amena.» Gn 2,21-22

 

D’après la Bible, Adam et Eve vivaient originellement à l’intérieur puis à l’extérieur du « jardin d’Eden », un paradis terrestre situé d’après les experts en théologie quelque part au Moyen Orient. D’après certaines traditions chrétiennes, Adam serait mort en Israël, et ses os auraient été enterrés sous le mont Golgotha, à l’endroit précis où, bien plus tard, le Christ devait être crucifié, rachetant ainsi le péché originel.

Or, coïncidence troublante, il se trouve justement qu’en décembre 2010, le professeur Avi Gopher annonce à la communauté scientifique mondiale que son équipe a découvert dans un grotte à l’est de Tel Aviv huit dents humaines qu’il dit appartenir à l’espèce Homo Sapiens, c'est-à-dire l’espèce des hommes modernes. Ces dents étaient éparpillées sur plusieurs niveaux datés de 200 000 à 400 000 ans, faisant de ces restes les plus vieilles traces d’hommes de notre espèce. Cela signifie-t-il que nos ancêtre viennent d’Israël ? Adam et Eve vivaient-ils vraiment dans la plaine du Jourdain ?

En dehors de cette découverte, les restes d’Homo Sapiens les plus anciens datent de 200 000 ans environ et ont été trouvés en Afrique de l’Est. En effet c’est à Kibish, dans le sud-ouest éthiopien qu’en 1967 ont été trouvés des fragments de crâne et de corps récemment daté de 195.000 ans.[3] Baptisé « Omo I », ces fragments représentent les plus vieux ossements d’homme moderne découverts à ce jour. En 2003 déjà, l’équipe de Tim White biologiste à l’université de Berkeley avait trouvé trois crânes d’hommes modernes (avec quelques caractéristiques archaïques) à Herto, également en Ethiopie datant de 154 à 160.000 ans. Ces trois découvertes semblent donc suggérer que la première « tribu » d’hommes modernes serait apparue quelque part entre Israël et la « Rift Valley », cette région montagneuse des grand lacs aux confins de l’Ethiopie, du Kenya et de la Tanzanie. Ces dates se situent de part et d’autre de la glaciation de Mindel qui débuta il y a environ 350 000 ans et s’acheva il y a 250 000 ans. Il y a 200.000 ans, on était dans l’interglaciaire Mindel-Riss et le monde connaissait  un climat chaud, et assez humide en Afrique.[4] La glaciation de Riss n’avait pas encore vraiment débuté. Le désert du Sahara était largement traversé d’oasis et de lacs. La Prairie couvrait de vastes étendues au nord et au sud de la forêt équatoriale. Dans ce contexte, les déplacements humains et animaux étaient grandement favorisés et sur quelques milliers d’années les premiers hommes ont pu se déplacer assez librement sur une zone assez vaste. [Ainsi par exemple on a retrouvé quelques restes d’outils à Haua Fteah en Lybie qui pourraient dater de 195.000 ans. Ce matériel est d’ailleurs assez similaire à celui trouvé au Moyen Orient, à Tabun en particulier.

 

Quelle que soit l’origine géographique précise du premier couple, il est clair que le fait qu’on n’ait trouvé si peu de fossiles d’hominidés à cette époque, suggère que ce premier groupe d’hommes modernes était peu nombreux. Tout commença donc là pour toutes les familles de la Terre, dans une zone allant de la Palestine à la Rift Valley il y a plus de 10.000 générations.

 

2 - Le monde d’Omo I

Les analyses faites sur Omo I, montrent qu’à son époque il était « en bonne santé et d’une belle apparence d’après les critères modernes » en dépit de quelques traits archaïques.[5] Il devait être grand et mince pour son temps, autour de 1,78m et 70kg. Un autre individu découvert récemment devait mesurer environ 1,75m, d’après le scientifique Osbjorn Pearson, et avoir l’apparence des éthiopiens et soudanais actuels. La population totale de ces hommes devait se monter à quelques milliers d’individus. Ces hommes maîtrisaient le feu. Ils taillaient des galets bifaces selon la technique dite acheuléenne qui consistait à les cogner pour en détacher des éclats. Ils montaient ensuite ces pointes sur des manches de hache, des lances et javelots de bois, qui leur permettaient de se défendre et de chasser.[6] Les spécialistes pensent que ces hommes utilisaient une forme simple de proto-langage basé sur des propositions composées de un ou deux mots, suffisants pour communiquer des concepts basiques. Toujours selon les spécialistes, ces mots comptaient probablement plus de verbes que de noms : « Va chasser », « rentre », « partons », « j’ai faim ».[7] Ces premiers hommes modernes étaient ainsi déjà capables de planifier une série d’actions simples comme l’organisation d’une chasse ou la confection d’un outil en plusieurs étapes. Par contre une fois que les outils étaient confectionnés et utilisés, ils n’y faisaient aucune retouche.

A cette époque donc, l’Ethiopie était bien plus humide qu’aujourd’hui. La région était abondante en poissons-chats, perches du Nil et autre types de poissons. La faune terrestre était assez riche avec des hippopotames, des girafes, éléphants, zèbres, rhinocéros, et autres mammifères à sabots.[8] Il y avait aussi des duikers (petite antilope) et des hylochères (gros sangliers de 150kg) ce qui suggère des paysages boisés. Enfin, la région semblait dépourvue de prédateurs, ce qui devait en faire un environnement assez paisible pour ne pas dire paradisiaque pour ces premiers hommes.

Sur le site d’Omo I, on a aussi trouvé les restes d’un hominidé baptisé Omo II. Ce dernier vivait à la même époque qu’Omo I mais avait les traits bien plus archaïques, plus proches des hominidés de type Homo Erectus. Cette espèce d’où émergea sans doute les hommes modernes, fut rapidement amenée à disparaître. A cette époque, alors que plus au nord on venait juste d’entrer dans la glaciation dite de Riss, il y avait dans le monde deux autres espèces d’hominidés appelés à se maintenir : en Asie du sud-est les derniers représentants des vieux Homo Erectus qui avaient essaimé l’ancien monde des centaines de milliers d’années plus tôt continuaient à prospérer, alors que partout ailleurs ils avaient disparu. Enfin en Europe, vivaient les hommes de Néanderthal, espèce intermédiaire entre les Erectus et les hommes modernes. Les néanderthaliens étaient plus massifs et trapus que les hommes modernes et étaient ainsi bien adaptés au climat rigoureux que connaissait alors l’Europe. L’outillage des Néanderthals était comparable à celui des hommes modernes, de même que sa maîtrise du feu et probablement aussi son langage. Ces trois espèces, Erectus, Neanderthal, et Modernes vivaient donc déconnectés les uns des autres sur trois continents différents.

 

3 – Un sanctuaire dans le désert

Comme nous l’avons vu, les toutes premières générations, d’Adam à Omo I, vivaient sous un climat assez clément, où la vie était largement facilitée par l’abondance de gibier, le petit nombre d’hommes à jouir des ressources et la quasi absence de prédateurs. Vers 190.000 ans, le climat se refroidit brusquement. En Europe, les glaces gagnèrent beaucoup de terrain, emmagasinant de plus grandes quantités d’eau. Le niveau de la mer baissa et en Afrique le climat devint soudain sec et plus froid. Les déserts du Sahara et du Kalahari gagnèrent du terrain, coupant progressivement les voies de communication de l’Afrique. En Ethiopie, la forêt disparut mais de par sa situation et sa bonne irrigation, la prairie se maintint. Pour les hommes modernes, l’Ethiopie devint une oasis de fertilité au cœur d’un grand désert vierge. Certain points d’occupation persistèrent dans la vallée du Nil, au Soudan comme à Sail Island (180.000 ans), à Singa (130 à 190.000 ans) ou à Soleb (avant 160.000 ans) mais ces établissements périphériques restèrent marginaux et éphémères. Cette phase aride connut son maximum vers 150.000 ans. A cette époque vivait en Ethiopie Homo Idaltu ou Herto Man, un descendant probable d’Omo I. C’était il y a environ 6000 générations.[9] L’analyse du site de la découverte montre qu’Herto Man et ses congénères vivaient au bord d’un lac peu profond. Ce lac abritait une faune abondante composée notamment d’hippopotames, de crocodiles et de poissons-chats. Les environs étaient composés de prairies où paissaient des troupeaux de buffles. Herto Man utilisait des outils à base de bifaces taillés comme des grattoirs et des haches. Ces hommes découpaient les carcasses de grands animaux comme les hippopotames et les buffles. On a trouvé aussi des restes de gnous, de zèbres et d’antilopes. Ils semblaient particulièrement friands d’hippopotames. Ils savaient aussi utiliser les plantes. Enfin, les trois crânes découverts portent des marques d’écorchage et de grattage témoignant de rite funéraires. Ainsi Herto Man survécut paisiblement dans son enclave éthiopienne, coupé du reste du continent. C’était aussi l’époque où vivait M-Eve, la dernière ancêtre commune des lignées purement féminines de l’humanité. A partir de là, les lignées féminines vont se diversifier ce qui suggère une augmentation de population d’une part, et une vie tribale basée sur la prééminence de males dominants.

 

4- la conquête de l’Afrique

Il y a 130.000 ans, un réchauffement brutal mit fin à la glaciation de Riss. Cette fonte brutale des glaciers du nord et produisit une augmentation des niveaux marins et en Afrique une augmentation des précipitations. A nouveau, les oasis s’étendirent et le désert recula, ouvrant des corridors de verdure pour les hommes de l’époque. Ceux-ci s’étendirent alors vers le nord et le sud. Ils remontèrent la vallée du Nil par les oasis les plus importants. Il y a 120 à 130.000 ans ils étaient établis aux oasis de Kahrga et Dakhla dans le sud de l’Egypte. De là, ils gagnèrent le Maghreb où on trouve leur traces les plus anciennes entre 130.000 et 110.000 ans (par exemple Haua Fteah en Lybie, Sidi Zin, Le Kef en Tunisie ou Ain Fritissa au Maroc). Au nord-est ils arrivent jusqu’en Palestine il y a 100.000 ans (grottes de Qafzeh). Leur progression n’ira pas plus loin car vers cette époque, les hommes de Néanderthal venus d’Europe s’étaient aussi étendus vers la Grèce et l’Anatolie. Il parvinrent ainsi en Palestine au plus tard il y a 120.000 ans. En fait les niveaux d’occupation de cette zone allant jusqu’en cyrénaïque remontait jusqu’à 200.000 ans sans qu’on puisse certifier le type d’hominidés qui y habitait. Néanmoins, il y a 100.000, la Palestine fut très probablement une zone tampon entre les deux espèces modernes et Néandethal. Leurs techniques et leur développement étaient alors assez similaires. L’homme moderne était plus grand et mince, Néanderthal plus trapu et costaud. Le terrain devait alors être assez fertile avec des marais et des forêts. Il y avait du gibier en abondance : cervidés, hippopotames, sangliers, gazelles, rhinocéros. Les hommes se nourrissaient de graines et fèves, de racines, de feuilles, d’œufs avec un supplément de viande en fonction de ce qu’ils prenaient. On peut noter également qu’on recouvra une quantité importante d’ocre rouge sur les squelettes, attestant probablement d’un comportement rituel. Dans cette compétition pour les ressources, il semble que l’homme moderne ne réussit pas à s’implanter durablement dans cette zone et ce premier « choc des espèces » tourna donc à l’avantage des Néanderthal, premiers arrivés sur place et probablement plus nombreux à l’arrivé de son concurrent. Finalement, les hommes modernes se replièrent sur leur berceau africain.

 

Dans leur progression vers le sud, les hommes modernes parvinrent rapidement en Tanzanie (Mumba Rock shelter)  vers 130, 110.000 ans et de là vers l’Afrique du sud qu’ils atteignirent vers 100.000 ans. Dans cette expansion sudiste, ils supplantèrent rapidement les quelques poches d’hominidés archaïques qui auraient encore pu subsister dans cette zone. Ainsi, il y a 100.000 ans (c'est-à-dire 4000 générations), l’homme moderne s’était répandu sur quasiment tout le continent africain. Pourtant, de cette humanité ancestrale qui avait conquis un continent, une seule lignée masculine allait s’imposer et supplanter toute les autres. On était alors encore 40.000 ans avant la naissance de YC-Adam.

 

Durant ces premiers 100.000 ans de l’aventure des hommes modernes, le bilan évolutif était assez maigre. L’outillage n’avait que peu évolué. Il n’était nullement supérieur à celui des Néanderthaliens qui d’ailleurs nous avaient probablement supplanté en Palestine. Les facultés cérébrales n’avaient pas beaucoup progressé non plus avec sans doute une limitation à des phrases simples composées de quelques mots. Pourtant, à son arrivée en Afrique du sud, il semble que l’homme moderne prospéra et atteignit un niveau supérieur d’évolution. Ainsi il utilisa davantage les ressources de la mer. On retrouve sur les sites une grande quantité de coquillages qui durent être utilisés largement, y compris comme parures. On note aussi à cette époque des feux de camp plus importants ce qui suggère que une augmentation des interactions sociales. On ne se regroupe plus autour d’un feu que pour manger mais aussi pour être entre soi, peut-être même se parler ce qui favorise le développent du langage. Malheureusement, cette nouvelle expansion de l’homme était éphémère et allait être une nouvelle fois interrompue par les circonstances.

 

5- Le repli

L’interglaciaire brutal qui mit fin à la glaciation de Riss fut en fait très court et dès 115.000 ans une nouvelle glaciation débuta (glaciation de Wurm.) Celle-ci serait plus progressive que la précédente. Elle comprendrait différents paliers et au total, elle allait s’étendre sur plus de 100.000 ans.  L’humanité allait en être bouleversée comme jamais auparavant.

Le climat commença donc par se rafraîchir durant vingt mille ans pour atteindre un premier palier il y a 90.000 ans. Comme pour la glaciation précédente, le niveau des océans déclina. L’aridité gagna à nouveau le continent africain avec les dunes qui commencèrent de nouveau à s’étendre. Progressivement les sociétés humaines d’Afrique du Nord et de Palestine périclitèrent. En Afrique du sud, les groupes humains plus exposés au froid s’affaiblirent considérablement. On ne sait s’ils disparurent complètement mais il semble clair qu’une fois de plus ce fut la population d’Ethiopie qui résista le mieux. Après un répit vers 80.000 ans avec un réchauffement temporaire, un deuxième refroidissement eut lieu qui atteint son apogée vers 65.000. L’Afrique qui comptait alors peut-être un million d’individus,[10] était devenue très aride, avec au nord et au sud de vastes champs de dunes.  La plupart de l’espèce humaine allait alors s’éteindre.

 

6- La catastrophe « Toba »

Pour un certain nombre de scientifiques, l’aridité accrue de l’Afrique durant la glaciation de Wurm ne fut pas un facteur suffisant pour expliquer la quasi-annihilation de la race humaine. En fait il y a 70.000 ans (estimation entre 69.000 à 77.000 ans) une catastrophe gigantesque à l’échelle de la planète eut lieu. Il s’agit de la dernière « super-éruption » volcanique que le monde ait connue. Une  super-éruption est caractérisée par un volume de débris éjecté supérieur 1,000 km3. L’éruption du super-volcan indonésien Toba qui eut lieu à cette époque aurait éjecté dans l’atmosphère 3000 km3 de débris. A titre de comparaison la plus grosse éruption volcanique récente fut celle du mont Tambora également en Indonésie qui en 1815 éjecta 160 km3 de débris dans l’atmosphère provoquant  partout dans le monde la pertes des récoltes en 1816 et une grande famine mondiale. L’éruption de Toba fut donc assez puissante pour provoquer une famine de 10 ans parmi les populations humaine de l’époque. Le résultat fut une population humaine réduite à quelques enclaves d’Ethiopie.

 

C’est à l’époque de la catastrophe Toba que naquit YC-Adam, le dernier homme commun de toutes les lignées purement masculines de la planète. Cet homme qui fut probablement un chef de clan aux multiples compagnes, portait en lui, sur son chromosome Y, une série de marqueurs qu’il allait transmettre à tous les hommes à venir. Ce serait donc son patrimoine génétique avec ces marqueurs qui allait progressivement se répandre à tous les hommes de la planète, évinçant tous ses concurrents contemporains. Certains voient en YC-Adam le Noé biblique dont la lignée, seule, fut épargnée par le courroux divin.

 

Plus au nord par contre, l’homme de Néanderthal prospéra. Habitué de longue date au climat rigoureux de l’Europe glaciaire, la baisse de température lui permit d’étendre son influence jusque dans le Kurdistan Iraquien (Shanidar) où on retrouva ses restes datés de 80.000 à 60.000 ans. A la même époque il régnait toujours en maître sur la Palestine.

 

 



[1] Les chromosomes étant des molécules bien plus longues et complexes que les mitochondries, leur étude nécessite des méthodes plus performantes qui ne furent au point qu’à la fin XXe siècle.

[2] La première dirigée par Peter Underhill à l’université de Stanford et la deuxième dirigée par Mike Hammer à l’université d’Arizona

[3] Une équipe qui a ré-analysé ces fragments en 2005 a entériné une date de 195.000 ans

[4] Correspondant à la période OIS 7 des courbes d’isotopes d’oxygène.

[5] “Earliest Known Human Had Neanderthal Qualities” Jennifer Viegas, Discovery News - Aug. 22, 2008

[6] Celvin “A brief history of the mind”

[7] Celvin “A brief history of the mind”

[8] Etude de l’archéo-biologist Zelalem Assefa de la Smithsonian Institution in Discovery News article.

[9] 160,000-year-old fossilized skulls from Ethiopia are oldest modern humans. UC Berkeley news

[10] D’après “Mapping Human History” Olson



Adam et Eve

Adam et Eve - Titien 1550


Arbre genetique M-Eve

Arbre génétique de l’ADN mitonchondrial de l’humanité. L’ADN mitochondrial se transmet uniquement par la mère.


Arbre genetique YC-Adam

Les groupes génétiques du chromosome Y descendent tous de YC-Adam





dent 400.000 ans
Une des dents trouvées par Gopher datant de 400.000 ans





OMO I

Crâne reconstitué d’Omo I – le plus vieux spécimen d’Homo sapiens trouvé à ce jour


Omo I - profil

Omo I  de profil

Herto Man

Reconstitution de Herto Man