La vie aventureuse du capitaine Barthel de Hohatzenheim
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PREMIERE
PARTIE
L'EPOPEE REPUBLICAINE
1. Une enfance difficile
Laurent Barthel est
né le 26 mars 1760 à Hohatzenheim, petit village du
Kochersberg connu pour son église de pélérinage
dédiée à la vierge douloureuse. A cette
époque le village compte 19 familles catholiques et 4 familles
protestantes. Le village se compose alors de quelques fermes
importantes, d’autres plus petites et enfin plusieurs familles sans
terre qui vivent de petits métiers. La famille Barthel est de
celles-ci, comptant donc parmi les plus modestes du village. Le
père de Laurent, qui se prénomme également Laurent
ou plus exactement Laurent-Ignace, est natif du village voisin de
Mittelschaeffolsheim où il est né en 1720.[1] Il arrive
à Hohatzenheim en 1742,[2] à l’occasion de son
mariage avec Catherine Diebolt, fille de Jacob Diebold, un cordonnier
du village. Ce mariage eut lieu dans des conditions tragiques et devait
être l’événement annonciateur de la
malédiction qui devait s’abattre sur cette famille.
En effet au
début de cette année 1742, Catherine Diebold perdit en
même temps son père et sa mère peut-être
victimes d’une épidémie car la famille perdit
également 2 de ses enfants ne laissant que la jeune Catherine,
âgée alors de 15 ans et sa soeur aînée
Anna-Maria, mariée à un journalier du village.[3]
Anna-Maria, probablement assez pauvre, ne semble pas disposée
à s’occuper de sa jeune soeur et il est donc
décidé de la marier en hâte. Mais qui peut
s’intéresser à une gamine de 15ans ? Le seul avantage de
Catherine est sa dot, car le fait que chacun des parents eut un
inventaire après décès devant notaire prouve que
la famille avait quelques biens, a commencer par la maison familiale
avec probablement une échoppe de cordonnier.[4]
En quelques
semaines[5] un postulant lui fut trouvé, peut-être par son
tuteur Jacob Hanss et le maire de Hohatzenheim Georg Freund, car tous
les deux furent témoins au mariage. Il s’agit de Laurent
Barthel, un garçon de 22 ans sans fortune, fils d’un tonnelier
de Mittelshaeffolsheim. Le garçon accepte car probablement la
dote est attrayante. Son frère aîné travaille
déjà avec son père et lui pourra donc prendre
l’échoppe de cordonnier de son beau père défunt.
Tout est arrangé rapidement et le 21 mai 1742, les deux sont
mariés à la paroisse catholique de Rumersheim dont
dépend Mittelschaeffolsheim.
Le couple
débute donc ainsi, bon an mal an, Catherine se demandant
probablement souvent quel tour le destin lui avait joué en lui
flanquant si rapidement un mari pas vraiment désiré et
probablement peu aimé. Deux ans plus tard, comme pour confirmer
cette malédiction, l’alsace est envahie par une bande de
mercenaires autrichiens, la seule invasion de ce type depuis le
début du siècle. Il sont commandé par le colonel
autrichien Trenck qui loge au château voisin de Mittelhausen
alors que la troupe campe malheureusement à moins d’un
kilomètre entre Wingersheim et Mittelhausen. Ces bandits,
effrayés par l’armée royale s’enfuiront rapidement mais
pas avant d’avoir causé plusieurs dégâts à
Hohatzenheim ce qui n’était pas arrivé depuis la guerre
de 30 ans. Néanmoins le couple tient bon et après
quelques années Catherine met au monde au moins quatre enfants :
Jacob (né avant 1750), Sophie (née dans les années
50), Pierre (né vers 1758) et enfin Laurent (né le 3 mars
1760).[6]
En grandissant
parmi les gosses du village, le petit Laurent eu sans doute une enfance
maussade. D’abord il devait se sentir moins avantagé que ses
camarades dont la famille avait une ferme, et un revenu plus stable que
la sienne. Ensuite ses parents ne s’entendaient pas bien comme nous
allons le voir. Leur mariage arrangé n’a probablement
jamais été harmonieux et leurs enfants en souffraient
sans doute. En janvier 1769, Laurent a presque neuf ans lorsque son
frère aîné se marie à Hohatzenheim avec
Barbara Rohr. Jacob, est cordonnier comme son père et en bonne
voie pour prendre la succession paternelle. Jacob et sa femme
s’installent donc à Hohatzenheim. Ce mariage envenima-t-il les
relations familiales ? Difficile à dire, toujours est-il que
quelques mois après ce mariage, le 21 juin 1769, Catherine
Diebolt et Laurent Barthel père, passent devant le notaire qui
prononce leur séparation de biens. Sous l’ancien régime,
cette mesure était toujours prise à l’initiative de
l’épouse qui souhaitait ainsi protéger sa dot, ou ce
qu’il en restait d’un mari dépensier. Cette mésentente
dut être difficile à accepter pour les enfants, surtout
pour Laurent alors si jeune. Il est possible que le couple vivra
ensemble encore quelques années mais finalement Catherine
Diebolt quittera le village car son décès n’est pas
enregistré à Hohatzenheim.
Entre 1770 et
1773 Jabob, le fils aîné aura trois enfants dont un
périra en bas âge. Finalement son mariage ne fut pas plus
heureux que celui de ses parents puisqu’en 1774, à peine 5 ans
après son mariage, sa femme Barbara Rohr demande à son
tour la séparation de biens. Jacob, était-il comme son
père un dépensier extravagant ? Quelqu’en soit la raison,
Barbara meurt 3 mois après cette séparation laissant deux
enfants à charge de son mari. Par la suite, comme sa
mère, Jacob finira par quitter le village puisqu’il n’y
décédera pas. Ces deux mariages ratés
convainquirent les deux fils restants, Pierre et Laurent que le mariage
était une mauvaise affaire et les deux fils Barthel finiront
leur vie vieux garçons.[7] Par contre Sophie, la fille Barthel
se marie en 1779 avec un jeune homme de Bilwisheim ou elle ira
s’installer.
2. Soldat du Roi
Lorsque la guerre
éclate en 1778, entre la France et l’Angleterre, le jeune
Laurent Barthel a 18 ans, il est apprenti et son futur semble peu
prometteur. Professionnellement, ses espoirs sont maigres. Les
querelles familiales lui laissent envisager peu de fortune à
hériter et de toute façon il a deux frères
aînés qui espèrent déjà vivre de
l’échoppe familiale et un jour ou l’autre il lui faudra chercher
fortune ailleurs. Sur le plan affectionnel, sa situation n’est pas plus
brillante. Sa famille est détruite et doublement
déshonorée. Les séparations en effet sont chose
assez rares en ce temps. Décidément son futur n’est plus
dans ce village et il faudra saisir la première occasion pour
s’en aller.
Cette occasion
arriva vers la fin de l’année 1781. Depuis quelques temps
déjà on était sans nouvelle de l’armée
française envoyée en Amérique au secours des
insurgés qui combattaient l’anglais, l’ennemi de toujours. Aux
environ de Noël 1781, une nouvelle extraordinaire se répend
dans le royaume de France. L’armée anglaise encerclée
dans Yorktown en Virginie a capitulé devant les forces
franco-américaines de Rochambeau et Washington. Du jour au
lendemain le prestige de la France mit à mal durant la guerre de
sept ans se trouva restaurée, et partout dans le royaume des
jeunes gens voulurent se mettre au service des armes victorieuses de la
liberté américaine. Laurent Barthel se laissa convaincre
probablement assez facilement par un sergent recruteur que son futur
était de servir sous la bannière du roi et le 5 janvier
1782 il fut intégré au régiment d’artillerie de la
Fère, un régiment créé 4 ans plus tôt
par la réunion de 2 bataillons, ceux de Saint-Dizier et de
Chalons. Les registres de ce régiment nous apprennent que
Barthel fut enrôlé dans la compagnie de sapeurs du
capitaine Durand. Il avait une taille de 5 pieds 5 pouces 3 lignes, les
cheveux et sourcils chatains, les yeux roux, le nez aquilin, la bouche
petite, le menton long, et le visage long et uni. Cette description
devait servir à la maréchaussée pour le retrouver
en cas de désertion. Comme les jeunes recrues recevaient en
général une meilleure prime d’engagement, les
engagés se rajeunissaient souvent à l’enrôlement.
Barthel ne dérogea pas à la règle en
déclarant être né en 1762.
Dans ce
régiment, Laurent va trouver des compagnons d’armes comme lui,
c’est à dire de milieu modeste, qui ont quitté un
environnement où ils étaient parmi les plus
exposés aux difficultés de la vie. Un tiers des effectifs
sont d’origine urbaine alors que la population urbaine de
l’époque ne dépasse pas 15% de la population totale. Ce
fait est du a l’attachement très fort qu’avaient les gens de la
campagne pour leur milieu et il était donc plus difficile de les
en arracher. C’est pour cela que les sergents recruteurs prospectaient
davantage en ville ou les gens vivaient de manière plus
isolée. Les jeunes qui s’engageaient pour le service militaire
était souvent ceux qui comme Laurent estimaient qu’il avaient
perdu la protection ou même l’estime de leur groupe social,
protection qu’ils espéraient retrouver dans leur nouveau
régiment.
Géographiquement,
les recrues de l’armée viennent principalement des
régions les plus pauvres de France ainsi que des régions
frontalières comme le Nord, la Lorraine et l’Alsace, ce qui
n’est pas étonnant étant donné le nombre de
garnisons situées dans ces régions. Dans certains
régiments comme Alsace et LaMarck, les Alsaciens
représentaient même la grande majorité des recrues.
Dans son nouveau
régiment, Laurent est donc d’abord sapeur, c'est-à-dire
en charge de préparer le terrain et l’infrastructure pour
l’artillerie mais rapidement il deviendra canonnier. En tant que tel,
sa tâche principale est alors le maniement du fameux canon
Gribeauval qui fit merveille durant la campagne d’Amérique et
qui va bientôt s’illustrer sur tous les champs de bataille
d’Europe. Peu de temps après son incorporation, le
régiment est envoyé sur la côte atlantique,
à La Rochelle ou il fait partie de l’armée des
Côtes de Bretagne sous les ordres des généraux de
Tournay et d’Uturbie. Là, il attendra une affectation
éventuelle dans l’une des colonies ou l’on se bat contre
l’anglais. Bientôt il est ordonné au régiment de
fournir 4 compagnies pour les garnisons des Antilles, basées
principalement à la Martinique et à Saint-Domingue. La
compagnie de Barthel n’est pas du nombre et le jeune alsacien poursuit
donc la vie morne de garnison. Aurait-il voulu partir ? C’est peu
probable car si les soldats étaient souvent enthousiastes pour
partir en Amérique du Nord, ils l’étaient moins à
l’idée d’aller aux Antilles où beaucoup de leurs
camarades mouraient de maladies tropicales, de malnutrition et de
conditions climatiques difficiles (chaleur et humidité).
En 1783, la paix
est enfin signée avec l’Angleterre qui accepte
l’indépendance des Etats-Unis. En apparence, la France est dans
le camp des vainqueurs mais en pratique le roi a gagné bien peu
au prix de dépenses astronomiques. Mais qu’importe, l’honneur
n’a pas de prix et l’affront de la guerre de sept ans est enfin
lavé. Pour Laurent Barthel, la victoire était venue sans
gloire. Il n’a participé à aucun combat de cette guerre
et maintenant que la paix est revenue le régiment se
prépare à une période tranquille ponctuée
de déplacement dans l’hexagone au gré des affectations
qu’il plait à l’autorité royale d’imposer.
Barthel va donc
suivre son régiment à travers la France de garnison en
garnison à travers la France. En 1785, le régiment est
à Valence toujours sous la direction du Vicomte d’Uturbie. Cette
année-là le régiment reçoit un jeune
officier promu au grade de sous-lieutenant de la compagnie de
bombardiers. Il est brillant et sa forte personnalité
doublé d’un charme indéniable le transforme rapidement en
coqueluche des salons de cette ville de province. Ce jeune inconnu est
corse et s’appelle Napoléon Bonaparte. Bien sûr en tant
qu’humble canonnier, le fils de cordonnier Barthel ne fréquente
pas les officiers, surtout quand ils sont en plus aristocrate.
Néanmoins, au fil des affectations la figure de Bonaparte ne a
du au moins être familière au jeune alsacien. On n’oserait
parier sur la réciproque quoique le futur empereur des
français avait une mémoire prodigieuse. Barthel et
Bonaparte partagent ainsi la vie du régiment de la Fère
à Valence, à Lyon (1786), à Douai (1787) et
à Auxonne (1788) avant que le jeune officier ne quitte
définitivement cette unité.
3- Révolution : La patrie en danger
Sous le
régime des rois Barthel n’avait aucun avenir. Comme des
générations de soldats du rang avant lui il aurait
probablement fini infirme ou éclopé, abandonné de
tous, sans pension et sans bien à ressasser les souvenirs de
grandeur militaire. La révolution allait changer son destin,
comme pour des milliers d’autres soldats issus du rang. Cette «
racaille » allait bientôt faire trembler le monde. Le 14
juillet 1789, les parisiens en colère prennent la bastille et
sans s’en rendre compte, libèrent un peuple
enchaîné dans le carcan de la royauté depuis 13
siècles. Le 1er janvier 1791, l’armée royale est
réorganisée en armée républicaine. Les
régiments perdent leur nom traditionnel pour prendre un
numéro. Le régiment d’artillerie de la Fère
devient le 1er régiment d’artillerie à pied (RAP).
Pourtant ce changement de nomenclature n’a peu d’effet sur la
composition des troupes. Le roi règne encore et commande
à un corps d’officiers aristocratiques eux-mêmes à
la tête de la troupe roturière. Pourtant pour Barthel
cette première phase de réorganisation aura du bon. En
effet, le premier avril de la même année voit une
série de promotions dans tous les régiments. Pierre Abel
de Sappel est promu au rang de colonel du 1er RAP et le même jour
Laurent Barthel devient fourrier (à peu près
équivalent à un caporal sous l’ancien régime).
Pourtant la rupture est proche. Le 21 juin, le roi s’enfuit de son
palais mais il est rattrapé à Varennes puis ramené
aux Tuilleries. Désormais, quoiqu’ officiellement toujours roi
de France, dans les faits le souverain est prisonnier de la
république. Chaque officier français est alors
prié de signer un nouveau serment d’allégeance qui ne
mentionne plus le roi. Commence alors une vague d’émigration qui
verra peu à peu se déliter la grande partie du corps des
officiers de l’ancien régime. Bien sûr les premiers
bénéficiaires furent les sous-officiers dont les plus
expérimenté furent appelés rapidement pour combler
le vide. La nouvelle armée de la république était
certes inexpérimentée et désorganisée mais
en contre partie elle gagnait une vitalité nouvelle puisque la
capacité seule était dorénavant gage de promotion
et non plus une bonne naissance.
Barthel pourtant
ne fut pas promu en cette année 1791. Son expérience
militaire il est vrai était limitée à neuf
années de garnison. Beaucoup de ses collègues
sous-officiers avaient participé à plusieurs campagnes
sur tous les continent. Les plus anciens avaient 30 ans de service. Il
faudra une guerre pour que le soldat alsacien de 31ans gagne de
l’avancement. En cette fin d’année 1791 la situation
politique se détériore encore. Les royaumes
étrangers appuyés par les émigré royalistes
menacent d’intervenir. Bientôt républicains et
aristocrates poussent à la guerre contre l’étranger. Les
deux camps comptent sur le prestige militaire pour rétablir la
situation à son avantage. Le 14 décembre, Louis XVI
divise les forces françaises en quatre armées.
L’armée du nord commandée par Rochambeau, l’armée
du centre commandée par Lafayette, celle de l’est
commandée par Luckner et celle du midi commandée par
Montesquiou. Barthel se retrouve envoyé à l’armée
du nord sous les ordres du prestigieux vainqueur de Yorktown. Le 18 et
21 mars la France lance deux ultimatums à l’Autriche qui ne
répond pas et le 20 avril la république déclare la
guerre à l’Autriche. Cinq jour plus tard à Strasbourg, le
maire de Dietrich donne une soirée à laquelle participent
plusieurs officiers dont un certain capitaine Rouget de Lisle. La ville
est en pleine effervescence du fait de la déclaration de guerre
et à la fin du repas le maire demande à Rouget de
"composer un chant hardi qui puisse encourager nos soldats à
marcher sur la frontière". Enthousiasmé, ce dernier
s’exécute et au cours de la nuit, compose d'une traite le chant
qu’il appelle d’abord « Hymne de Guerre Dédié au
Maréchal de Luckner » puis « Chant de Guerre pour
l'Armée du Rhin .» En juin, le chant sera entonné
à Paris par un bataillon de la garde nationale venue de
Marseille qui donnera son nom définitif à la Marseillaise.
Cependant le 28
avril, l’armée française passe à l’offensive
contre l’armée autrichienne stationnée en Belgique. Le
plan étudié par l’état major français
prévoie une attaque de diversion par Rochambeau sur Mons et
Tournai pendant que La Fayette lancera la véritable offensive
sur Namur puis sur Liège par la vallée de la Meuse. Le
lendemain 29 avril 1792, la cavalerie de l’armée du nord
restée en grande partie sous le contrôle des aristocrates
approche de Mons quand deux régiments de dragons se
débandent brusquement aux cris de "Trahison ! Sauve qui peut !"
et entraînèrent toute la colonne dans leur fuite. Au
même moment les troupes partent en déroute de la
même façon prés de Tournai. A cette nouvelle,
Lafayette suspend immédiatement l’offensive. Toute
l’armée française est paralysée. Triste
début pour l’aventure militaire du fourrier alsacien Barthel !
Pourtant dans la confusion qui suit cette débacle Barthel est
promu sergent le lendemain 1er mai.
Après
cette opération manquée, l’armée française
était plus que jamais en crise. La suspicion et le ressentiment
régnait entre ce qui restait d’officiers aristocrates et
la troupe. De Sappel resta à son poste mais à la
tête de l’armée la valse des généraux en
chefs était engagée. En mai Rochambeau démissionna
du commandement de l’armée du nord. Il fut alors remplacé
par Luckner, lui-même remplacé par Lamortière
à l’armée du Rhin. Ce fut d’abord Luckner. Puis en
juillet Luckner passa à l’armée du Centre et Lafayette
à l’armée du nord. Dix jours plus tard c’est au tour de
Lamortière de sauter et d’être remplacé par Biron
à la tête de l’armée du Rhin. Finalement le 10
août 1792 les sans-culottes investissent les Tuileries. C’est le
coup de grâce de la monarchie française. La famille royale
est internée au temple. A la tête de l’armée du
nord Lafayette est outré. Il tente d’abord d’engager son
armée à marcher sur Paris mais essuyant un échec,
il décide de se rendre aux autrichiens. Dummouriez le ministre
de la guerre, décide alors de conduire lui-même
l’armée du Nord. Quand à l’armée du centre Luckner
est jugée incompétent et est remplacé par
l’alsacien Kellerman. Enfin des républicains à la
tête de l’armée républicaine.
Alors que
l’armée française tergiversait, l’Autriche avait
reçu le concours de la Prusse. L’objectif des alliés
était de prendre Paris et avec l’aide des émigrés
de restaurer la puissance du roi de France. Le duc de Brunswick
comptait bien profiter des hésitations de ses ennemis. Il a
passa la frontière avec ses prussiens et les
émigrés français le 19 août et s’engouffrent
sur le bassin de la Meuse. Ils prennent Longwy le 23 août et
Verdun le 2 septembre. La route de Paris est ouverte ! Dumouriez est
alors à Sedan, Kellerman à Metz. Les deux
généraux se lancent immédiatement à la
poursuite des Prussiens qui sont finalement rejoints près de
Valmy. Le 20 septembre les Prussiens donnent l’assaut mais ils sont
repoussés par l’artillerie française. Brunswick
décide alors de se replier vers le Rhin. La république
est sauvée !
Placé avec
sa compagnie d’artillerie à l’aile droite de l’armée du
nord, Barthel aurait du logiquement participé à la
bataille de Valmy mais ses états de service n’en font pas
mention. En fait il se trouve qu’à cette époque il
était affecté « au parc de siège et
artillerie de position » de l’armée, c'est-à-dire
aux canons les plus lourds nécessitant un système de
transport important de même que de l’infanterie pour le
protéger. Ces canons se déplaçaient donc rarement
et il n’est donc pas surprenant qu’ils n’ont pas participé
à la poursuite de Brunswick jusqu’à Valmy. La patrie
était donc sauvée mais pour Barthel, encore une fois
comme du temps de la guerre d’Amérique, la gloire avait
soigneusement évité de croiser le chemin de l’artilleur
alsacien.
4- L’épopée
Républicaine
Le 1er octobre
1792, la convention décide de créer des armées
supplémentaires en scindant les armées existantes. Ainsi
L’aile droite de l’armée du nord à laquelle appartenait
Barthel devient l’armée des Ardennes. Cette dernière
comme l’armée du Nord reste sous commandement de Dumouriez.
Celui-ci, enhardi par son succès de Valmy, était
rentré à Paris où il intriguait pour obtenir
l’autorisation de la convention de poursuivre la guerre au-delà
des frontières, en Belgique.
Dumouriez obtient
gain de cause et le 28 octobre l’armée française quitte
Valencienne en direction de Mons ou est stationnée
l’armée autrichienne sous les ordres du général
allemand Saxe-Teschen. Parallèlement, sur la droite du
dispositif français le général Valence à la
tête des 18,000 hommes de l’Armée des Ardennes à la
mission de prendre Namur pour couper la route aux renforts autrichiens.
Le 6 novembre Dumouriez affronte les autrichiens en avant de Mons
à Jemappes et les défait au prix d’un combat
coûteux. Quand à Valence il met le siège
devant Namur. On fait venir l’artillerie de siège et Barthel,
après dix ans de carrière participe enfin à son
premier combat. Tout au long du mois de novembre le siège bat
son plein et le 24 du mois Barthel est nommé sergent major, la
dernière marche avant d’être officier. Pendant ce temps
Dumouriez était entré à Mons le 11 novembre, le 15
il prenait Bruxelles et le 28 Liège. Namur tombe finalement le 2
décembre. En ce début de décembre les
armées françaises occupent toute la Belgique
jusqu’à Aix-la-chappelle et le 13 décembre la convention
ordonne à Dumouriez de prendre ses quartiers d’hivers.
En 1793, la
guerre reprend de plus belle. L’exécution de Louis XVI le 21
janvier, ainsi que la politique acharnée de l’Angleterre
contribuent à soulever la plupart des souverains
Européens contre la France. Au printemps 1793, la
République compte au rang de ses ennemis l’Angleterre, la
Prusse, l’Autriche, les princes allemands, la Russie, la Sardaigne, la
Hollande, l’Espagne, Naples et le Portugal. La France est
menacée sur toutes ses frontières et la convention
répond à ce danger par « une levée en masse
» de 300.000 hommes. Dumouriez reprend l’offensive dès
février et tente d’envahir la Hollande mais il est
débordé sur ses arrières et doit revenir en
Belgique. En mars il affronte les alliés à Neerwinden
où il est contraint à la retraite. L’armée
française est forcée d’abandonner la Belgique. Quant
à Dumouriez, après avoir tenté en vain de soulever
l’armée à son profit, il passe à l’ennemi.
L’armée du Nord en retraite n’a plus de chef. Ainsi commence la
retraire générale des armées de la
République.
Barthel suit la
retraite générale avec l’artillerie lourde de
l’armée des Ardennes qui se replie sur Carignan, à la
frontière belge, juste au sud de
Charleville-Mézières. Les coalisés
contre-attaquent et après avoir pris Condé et
Valenciennes il menacent Cambrai et Dunkerque. Sur les autres fronts,
les alliés reconquirent le palatinat et se dirigent vers
l’Alsace. Au sud les espagnols passent la frontière à
l’ouest et les Italiens à l’est. Enfin Toulon se livre à
la flotte anglaise et la Vendée se soulève. La
République est assaillie sur tous les fronts.
La convention
répond à cette crise grave de deux façons. D’abord
l’armée va être réorganisée par
l’intermédiaire de Carnot nommé membre du comité
de salut public attaché aux affaires militaires. Il va
réorganiser les armées de la république en 14
armées réparties sur toutes les frontières. La
levée en masse des tous les jeunes français de 18
à 25 ans décrétée par la convention
fournira les hommes nécessaires à cet efforts. Le
deuxième volet de la réaction républicaine vise
l’intérieur, la société française ou tout
le monde peut être soupçonné de complot contre la
République. C’est le temps de la terreur. Des commissaires
arpentent les villes et les campagnes à la poursuite des «
royalistes » et contre-révolutionnaires. Les
églises sont fermées et le culte est interdit. L’Alsace
pays de Laurent Barthel n’est pas épargnée. C’est le
temps d’Euloges Schneider qui à partir de Septembre 1793
répend la terreur dans toute la région. En octobre les
coalisés entrent en Alsace. Ils prennent Haguenau le 29 octobre
et Fort Vauban, en avant de Strasbourg le 9 novembre. Beaucoup
d’Alsaciens en profitent alors pour fuir la terreur et passer à
l’étranger. Pour le gouvernement révolutionnaire ils sont
déclarés « émigrés »
c'est-à-dire traîtres à la patrie. Durant cette
période à Hohatzenheim village natal de Barthel 12
personnes sur 199 habitants[8] sont déclarée
émigrés. La propre famille de Barthel n’est pas
épargnée. Son propre frère Pierre est du nombre.
La famille de sa marraine Barbara Blaise est aussi touchée. Son
mari Laurent Diebold est sur la liste ainsi que Michel Fohr, Georges
Freund, Daniel Diebold et Nicolas Blaise (le maire ou son fils) qui
sont aussi en relation avec cette famille. Les autres
émigrés sont Antoine Bied, Antoine Hans, Laurent Hanns,
Nicolas Henner, Nicolas Schmitt et Pierre Weyer.[9] Dès Novembre
Pichegru, à la tête de l’armée des Vosges
contre-attaque et repousse les autrichiens sur la Zorn puis sur la
Moder. Le Kochersberg est dégagé et Scheider peut
reprendre sa triste besogne. Il arrive à Wingersheim le 27
novembre 1793 et prend des renseignements sur l’ancien maire de
Hohatzenheim, Nicolas Blaise. Or, ce jour-là une messe
interdite était justement célébrée à
Hohatzenheim. Le prêtre put s’échapper mais Nicolas Blaise
fut arrêté jugé à Strasbourg. Les motifs
d’accusation furent les suivants :
- Faire partie
des « aristocrates » de Hohatzenheim.
- Lorsque les
Autrichiens firent abattre l’Arbre de la Paix à Hohatzenheim il
s’est écrié : « la voilà, la fierté
des patriotes ! »
- Dans la maison
du Maire Lobstein il a bu à la santé des Autrichiens et a
dit « a présent, nous sommes à nouveau
maîtres ; il faudrait maintenant pendre tous les patriotes et les
laisser crever ».
- De sa maison
à Hohatzenheim il s’est écrié : « pendez
tous ces patriotes ».
- Il s’est rendu
à Brumath, ville occupée par l’ennemi où il a
passé la nuit.
- Il a suivi
l’ennemi après sa retraite le 22 novembre 1793 et s’est rendu
à Haguenau où son fils s’était retiré avec
son épouse et ses enfants, pour leur apporter du pain et de
l’argent.
Nicolas Blaise
fut déclaré traître à la patrie et
condamné à mort. Il fut exécuté à
Hohatzenheim le 6 janvier 1794. Schneider ne put assister à
l’exécution car il fut lui-même arrêté en
décembre 1793, conduit à Paris où il fut lui aussi
jugé et exécuté. Durant ces tristes
évènements Laurent Barthel était en pleine
campagne dans les Ardennes. Il est peu probable qu’il fut mis au
courant des méfaits de cette républiques pour laquelle il
combattait. C’est aussi à cette époque vers 1794 que
mourut sa mère Catherine Diebold. Elle n’habitait plus
Hohatzenheim.
Pendant ce temps
dans les Ardennes, comme sur tous les fronts, l’armée
Française est repassée à l’offensive. L’objectif
sur ce front était le déblocage de la place de Maubeuge
assiégée par Cobourg depuis le 23 Septembre. A la
tête des armées du Nord et des Ardennes, Jourdan attaquent
les alliés à Wattignies. L’artillerie Lourde dont fait
partie Barthel est sous les ordres du général
Maisonneuve. Celle-ci pilonne copieusement les autrichiens qui se
replient finalement sur Mons. Maubeuge est débloquée et
une partie de la frontière nord de la France est
rétablie. L’armée des Ardennes fut envoyée
à Philippeville et Sedan pour prendre ses quartier d’hiver. Les
hostilités reprennent au printemps. L’objectif de l’armée
des Ardennes est cette fois Charleroi et la Belgique. Celle-ci butte
durant tout le moi de mai contre les défenses autrichiennes sur
la Sambre mais le 12 juin Jourdan prenait enfin pied sur l'autre rive
de la Sambre et assiégeait Charleroi. Le 16 juin le Prince
d'Orange contre-attaque et parvient à repousser les
Français une nouvelle fois sur l'autre rive de la Sambre. Le 18
juin les Français repassent la rivière et
rétablissent le siège devant Charleroi. Le siège
fut vigoureusement mené et l'artillerie de siège si
efficace que sept jours plus tard la garnison autrichienne se rendait.
Le sergent-major Barthel avait participé à ce
siège au sein du parc d’artillerie de siège de la
division Lefebvre. Quelques jours plus tard, le 26 juin il est
présent à la bataille de Fleurus brillamment
remportée par Jourdan. Ce fut le dernier succès de
l’armée des Ardennes puisque le 29 juin est créée
l’armée de Sambre-et-Meuse, constituée de l’armée
des Ardennes, de l’aile droite de l’armée du Nord et de l’aile
gauche de l’armée de la Moselle. C’est avec cette
dernière que Jourdan va s’élancer à la
conquête de Bruxelles. Barthel participe à pluiseurs
affaires près du Affaire près du château de Marunon
et devant Mons qui tombe le 1er juillet. Le 11 juillet, Jourdan entre
dans la capitale belge et après une période de
temporisation pour débloquer les derniers bastions ennemis en
France il poursuit son offensive ver le Rhin. Le 2 octobre il remporte
la bataille d'Aldenhoven qui lui valut la rive gauche du Rhin et deux
jours plus tard il entrait dans Cologne. L’armée de Sambre et
Meuse termine cette campagne victorieuse et entre ainsi dans la
légende de l’épopée républicaine.
L’année
1795, fut marquée par de nouvelles victoires de la
république. En avril 1795 la Prusse signe la paix. Pichegru en
profite et en mai il conquiert la Hollande qui devient la
République Batave. La coalition anti-française s’effrite.
Seuls l’Angleterre et l’Autriche sont déterminés à
poursuivre la lutte. Le 5 et 6 septembre 1795, Jourdan à la
tête de l’armée Sambre et Meuse décide de passer le
Rhin à Dusseldorf et d’entrer en Allemagne. Ce n’était
pas arrivé à l’armée française depuis la
guerre de sept ans ! Jourdan remonte le Rhin en direction de Mayence.
Barthel participe à l’expédition avec l’artillerie
lourde. A hauteur de Coblence, celle-ci met le siège
devant Ehrenbreitstein, forteresse réputée imprenable
située sur la rive droite du Rhin, juste en face de Coblence,
ville de la rive gauche. La forteresse juchée sur un rocher
à l’embouchure de la Moselle fut bombardée en vain par
les français en 1688. Ces derniers parvinrent toutefois à
l’occuper pendant la guerre de sept ans de 1759 à 1762. Alors
que le blocus s’organise, Jourdan continue à remonter le Rhin
vers Mayence mais Pichegru refuse de le soutenir et entre en
pourparlers avec le prince de Condé. De ce fait Jourdan, sans
appui, est forcé de se replier sur la rive gauche du Rhin. Le
Blocus d’Ehrenbreitstein est levé mais ce n’est que partie
remise.
L’année
suivante est importante pour Barthel. En effet, le 4 Ventôse de
l’An IV c'est-à-dire le 23 Février 1796,
l’événement qu’attend impatiemment tout sous-officier
arrive enfin : Barthel est nommé lieutenant en second. Il fait
désormais partie du corps des officiers de la révolution.
Belle récompense pour ce fils de cordonnier. Il est vrai que
cette promotion s’était faite attendre. Beaucoup de ses
camarades avaient été promus durant la vague
d’émigration de 1791-93 qui avait privé l’armée
française de ses meilleurs officiers.
Ainsi lorsque la
campagne de 1796 commence et que Jourdan repasse le Rhin le 29 juin
à Neuwied (à une quinzaine de kilomètre en aval de
Coblence), c’est comme officier que Barthel entre en Allemagne. Ses
états de services indiquent qu’à nouveau il prend part au
« blocus d’ Ehrenbreitstein et à plusieurs affaires
à la tête du pont de Neuwied et devant Kreuzenach. Et
campagne d’hiver.» (Bad Kreuznach à 80km en amont de
Coblence) Le début des opérations se déroula bien.
Mayence était bloqué par Marceau pendant que Jourdan
progressait dans le Main, descendait la vallée de la Raab et
s'emparait de Amberg avançant jusqu'à Ratisbonne à
quelques jours de Vienne. Moreau de son coté à la
tête de l’armée Rhin-et-Moselle franchissait le Rhin
à Kehl et parvenait à détacher de la coalition les
princes de Bade, du Wurtemberg et de Saxe. Les succès sur le
Rhin allaient cependant être rapidement stoppés par
l'archiduc Charles. Il battait Bernadotte le 16 août à
Neumarkt contraignait les Français de Jourdan à se
replier sur Bamberg puis sur Wurtzburg et finalement à revenir
sur le Rhin. Moreau, découvert était contraint de reculer
ce qu'il fit par une superbe retraite.
L’année
suivante, Hoche remplace Jourdan malade à la tête de
l’armée Sambre-et-Meuse. Il réorganise cette armée
qui doit se lancer une fois de plus à la conquête de
l’Allemagne. Barthel passe de l’artillerie de siège à
l’artillerie de position. Pour lui et la plupart de ses compagnons,
c’est donc la troisième fois qu’il s’apprête à
passer le fleuve si convoité. A la tête de l’armée
d’Italie, Bonaparte passe le premier à l’attaque et lance son
armée vers l’Autriche à travers les Alpes. Le
général français attend l’appui de l’armée
Sambre et Meuse pour se lancer à l’assaut de Vienne. Mais
celui-ci se fait attendre. On dit le directoire jaloux des
succès du général le plus populaire de la
république et Hoche a ordre de camper sur ses positions. En
désespoir de cause, sans soutien, Bonaparte accepte la
suspension d’armes le 13 avril et l’armistice de Leoben est
signée le 18 avril. Il ne se doute pas alors, que Hoche a
finalement reçu l’ordre de passer à l’attaque ! Ce
dernier passe le Rhin et remporte une très belle victoire
à Neuwied ce même 18 avril où il fait 7,000
prisonniers et saisit plusieurs drapeaux. Pour la troisième fois
le siège est mis devant Ehrenbreitstein, toujours sans
succès. Les états de services de Barthel ne font pas
mention de ce troisième siège mais par contre ils
mentionnent la bataille de Neuwied à laquelle il participa.
L’annonce de l’armistice met fin à l’élan victorieux de
l’armée Sambre et Meuse. Hoche décèdera quelques
mois plus tard dans des conditions mystérieuses.
L’armistice
signée avec l’Autriche met fin à la première
coalition dont la France sort grand vainqueur. Ses annexions en
Belgique et en Italie sont reconnues et on pouvait donc
s’attendre à une paix durable, enfin après six ans de
guerre où nos armes durent affronter toute l’Europe ! Pourtant
dès 1798, l’armée est une nouvelle fois de plus sur le
pied de guerre. Le directoire pousse en effet les cantons suisses
à la rébellion contre leur confédération.
En janvier Bâle se libère et en février s’est au
tour de Lausanne de créer une « république
lémanique ». Berne tente de Mater la révolte mais
le général Brune intervient à la tête de
l’armée d’Helvétie. Il est secondé par le
Général Schauenburg qui s’empare de Berne le 15 mars. Les
cantons sont réorganisés en république dès
avril. Ceux d’entre eux qui sont récalcitrants sont mis au pas
par l’armée. Barthel participe à cette campagne avec la
4e division sous le commandement du général Taviel.
Après le départ de Brune à la fin mars pour
l’armée d’Italie, Schauenburg héritera du commandement de
l’armée d’Helvétie jusqu’en décembre. Il semble
qu’à partir de cette campagne, Barthel ne soit plus
attaché au parc d’artillerie lourde et qu’il suit
dorénavant les mouvements de sa division avec l’artillerie de
campagne. Pendant que Brune « pacifie » la Suisse, le
directoire envoie son meilleur général, Napoléon
Bonaparte, aller conquérir l’Egypte.
Ainsi à
L’été 1798, la république suisse rejoint les
républiques « sœurs », que sont, la
république batave (Hollande) et la république cisalpine
(Italie), toutes trois sous la protection de la république
française. Ce nouveau succès pourtant sera
éphémère car déjà, dès
l’été 1798, l’Angleterre, perfide Albion, plus que jamais
ennemi héréditaire de la France, parvient à lever
une seconde coalition contre la république en agitant
l’épouvantail de la « contagion républicaine
». Celle coalition comprend l’Autriche encore, la Suède,
Naples, l’empire Ottoman et en décembre la Russie et le
Portugal. Dès la mi-octobre des bataillons Autrichiens
contre-attaquèrent dans les Grisons, à la demande des
milieux aristocrates. La suisse pourtant semble être d’abord un
théâtre d’opération secondaire car durant l’hiver
les armées ce concentrèrent surtout en Allemagne et en
Italie.
Lorsque commence
l’année 1799, Masséna a succédé à
Schauenburg à la tête de l’armée d’Helvétie
et Lamartillière a remplacé Taviel à la tête
de la 4e division. Sous la conduite de Masséna, l’armée
reprend l’offensive et en mars elle conquiert les Grisons jusqu’au
St-Gothard, refoulant les faible forces autrichiennes qui s’y
trouvaient. Mais bientôt les succès que connurent les
alliés en Allemagne et en Italie encouragèrent une
contre-attaque en Suisse. En mai, les Généraux
autrichiens Hotze et Bellegarde pénétrèrent dans
les Grisons par Saint-Gall à l’est et cherchèrent
à faire leur jonction avec l’archiduc Charles qui arrivait
d’Allemagne. Cette concentration forçait les Français
à se replier sur Zurich. Durant ce repli, Barthel et la 4e
division participèrent à plusieurs affaires, notamment
à Monstein[10], à Frauenfeld le 25 mai (50km au nordest
de Zurich), et à Winterthur (30km au nordest de Zurich.)
Finalement Masséna positionna son armée autour de Zurich
et y attendit l’armée ennemie. Le général
français était en infériorité
numérique avec seulement 30,000 hommes contre 45,000
autrichiens. Du 4 au 7 Juin Sur un front de plus de dix
kilomètres de long, Masséna et Charles
s'affrontèrent. Les pertes sont très
élevées des deux côtés et Masséna
décide finalement de se retirer. Il laisse ainsi Charles prendre
Zurich. Sous la pression du directoire Masséna se relance
à l’assaut de Zurich le 14 août mais est de nouveau
repoussé. En fait le général français ne
devra sa revanche qu’à la stratégie farfelue et
totalement contre-productive des alliés. En effet les russes de
Souvarov avaient rejeté les français hors d’Italie mais
au lieu de laisser le général russe poursuivre sur sa
lancée, les stratèges alliés lui ordonnent de
passer en Suisse pour défaire Masséna. L’archiduc Charles
est alors sommé de remonter vers le nord pour renforcer le front
hollandais où les alliés combattent le
général Brune. Il doit laisser sa place à
l’armée de Korsakov forte de 45,000 hommes qui a ordre d’occuper
Zurich jusqu'à l’arrivée de Souvarov.
Malheureusement
pour les alliés, Korsakov n’arrive à Zurich qu’avec
28,000 hommes et Souvarov aura besoin de temps pour passer les cols
alpins. Une occasion unique s’ouvre à Messéna qu’il
ne laissera pas échapper. Le général
français arrive aux abords de Zurich le 24 septembre avec 4
divisions comptant 35,000 hommes. Entre les deux armées se
trouve la rivière Limath, derrière laquelle les russes se
sont retranchés. Le 25, à 5 heures du matin, les
généraux Foy et Gazan, de la division Lorge traversent
par surprise la Limatt et s'emparent de Closter-Fahr, à moins
d'une dizaine de kilomètres de Zurich. La division Durasov, trop
éparpillée sur le cours de la Limatt, ne peut
réagir efficacement alors que les trois autres divisions
françaises manoeuvrent pour enfermer Korsakov et la division
Gortshakov dans Zurich. Le lendemain, le 26 Septembre, Masséna
encercle parfaitement Korsakov. Les Russes se rangent en bataille
devant la ville et se défendent furieusement. Se sentant perdu,
Korsakov se met à la tête de son infanterie, range sa
cavalerie et son artillerie à sa suite et parvient à se
frayer un chemin d'évasion par la route de Winterthur (nord de
Zurich). Une partie de sa colonne est cependant refoulée dans
Zurich où règne un désordre indescriptible. Le
bénéfice de la journée est fabuleux pour
Masséna : tous les bagages russes, 100 canons et 5 000
prisonniers, en plus des 8 000 autres Russes hors de combats ! Korsakov
ne s'est échappé vers le Rhin qu'avec la moitié de
son armée (12 000 hommes). En apprenant la nouvelle le 28
Septembre Suvorov sait désormais que la partie est perdue et
qu'il aura lui-même bien du mal à quitter la Suisse
indemne. Lors d'un conseil de guerre le 29 Septembre, Suvarov prenant
l'avis de Bagration, du Prince Constantine et du général
autrichien Auffenberg, décide de la retraite par la route de
l'est vers Glarus, pour quitter la Suisse. La situation de Suvarov est
désormais précaire. Avec moins de 20 000 hommes, à
cours de provisions, de munitions et dépourvu d'artillerie, le
Feld Maréchal russe doit essayer de passer au travers des
mailles du filet tendu par Masséna qui a maintenant réuni
60 000 hommes.
Le premier combat
a lieu à Mutuoatal, où pendant deux jours les hommes de
la division russe Rosenberg vont tenter de se faire jour au travers des
positions de la division Lecourbe renforcée
d'éléments envoyés par Masséna (division
Mortier). Malgré la supériorité de leur
artillerie, les Français doivent abandonner le terrain en
laissant 1 000 tués et blessés et autant de prisonniers.
Puis, la retraite, terrible de difficultés, se poursuit par
Glarus, où il retrouve quelques milliers d'Autrichiens. Sur des
chemins terribles, l'armée de Suvarov parvient à
poursuivre son chemin pour quitter la Suisse malgré le
harcèlement des Français qui tentent toujours de
l'encercler. L'armée Russe parvient finalement à
rejoindre le territoire autrichien par Vaduz (Liechenstein) puis
Feldkirch le 13 Octobre. Finalement à Lindau le 20 Octobre,
l'arrivée du corps autrichien de Colloredo tirera
définitivement d'affaire le général russe. Suvarov
a peu ainsi sauver 18,000 hommes mais Pour les français
pourtant, l’essentiel est acquis. Ils ont chassé les russes de
Suisse, se sont débarrassé d’un brillant
général ennemi sur le front Italien et grâce au
retard de l’archiduc Charles, Brune a pu venir à bout des
alliés en Hollande. Comme pour parachever le succès de
Masséna, quelques mois plus tard le tsar Paul Ier décide
de quitter la coalition anti-française. Une fois de plus la
république est sauvée ! Barthel participa à la
totalité de cette brillante campagne de Suisse comme l’atteste
ses états de services. Ceux-ci cite les affaires de «
Zurich contre les autrichiens et contre les russes, le passage de
Limath et la campagne d’hiver. »
Alors que se
termine la campagne de Suisse, en France un coup d’état
intervient. Napoléon Bonaparte qui était revenu en
hâte d’Egypte est mis à la tête d’une conjuration
contre le directoire. Ce dernier offre peu de résistance et
Bonaparte est rapidement nommé premier consul. Pour la
première fois, le pouvoir est entre les mains d’un
général. Lorsque Bonaparte prend les rênes du
pouvoir la France a un ennemi principal : l’Autriche. En effet, le
corps anglais débarqué en Hollande a rembarqué et
les russes ont quitté la coalition. Ainsi c’est d’abord avec les
autrichiens que le 1er consul veut traiter. Mais ceux-ci demeurent
inflexible. Aussi il décide la reprise de l’offensive. Il scinde
ses troupes en deux armées. La première sous ses ordres,
tantera de reconquérir l’Italie. La seconde qu’il confie
à Moreau reprendra l’offensive en Bavière, avec comme but
ultime une convergence sur Vienne.
Au mois d’avril,
Moreau a réunit une armée de 100.000 hommes sur la rive
gauche du Rhin. En face de lui, de l’autre côté du Rhin,
le général Kray commande une armée de force
équivalente. Les états de Service de Barthel indiquent
que le lieutenant alsacien appartient à la 3e division de
l’armée du Rhin commandée par Moreau. Toujours
d’après ces états, ses officiers supérieurs sont
Eblé et Lemaire. Le général Moreau commença
prudemment par faire débarquer quelques-unes de ses
unités sur la rive droite du Rhin. Comme Kray, n’osa pas
intervenir Moreau put faire passer toute son armée. Les
états de Barthel font mention du passage du Rhin mais sans en
donner la date. Aussitôt passé, Moreau se porte sur son
adversaire. Le 3 mai, il remporta une victoire difficile à Engen
sur le l’armée principale de Kray alors que la division Lecourbe
écrasait le corps detaché de Vaudémont. Les
autrichiens se replièrent mais Moreau qui voulait remporter une
victoire totale les colaient de près. Il rejoignit Kray deux
jours après Engen à Moeskirch. Le lieutenant Barthel qui
était toujours avec l’artillerie de la 3e division se semble pas
avoir participé aux premiers succès mais il était
présent à Moeskirch. Les deux armées s’y
affrontèrent avec acharnement jusqu’à à la fin de
la journée lorsque l’aile droite conduite par la division
Lecourbe parvint à s’emparer du plateau de Moeskirch
forçant les autrichiens à la retraite. Ils
passèrent sur la rive droite du Danube, abandonnant toute la
rive droite Rhin aux français. Les pertes avaient
été lourdes des deux côtés ; chacune des
deux armées y laissait 6.000 hommes.
Pourtant Kray ne
voulait pas s’avouer battu. Il repassa sur la rive gauche du Danube et
tenta une contre-attaque contre Moreau. Celle-ci échoua
largement et le général français remportât
cinq nouvelles victoires dans les combats de Biberach le 9 mai, de
Menningen le 10 mai, d’Erbach le 16 mai, de Delmensingen le 20 mai et
de Kelmuntz le 5 juin. Cette fois Kray avait repassé le Danube
pour de bon et Moreau pouvait lui aussi envisager de passer le grand
fleuve. Après Moeskirch, l’unité de Barthel ne fut
engagée que dans le combat de Menningen ; le reste du temps fut
passée à pousser les canons à la poursuite des
Autrichiens. En ce mois de juin 1800, lui qui durant les
dernières années avait si souvent passé le Rhin,
savourait comme les autres soldats de l’armée française
la joie d’avoir atteint la rive du grand fleuve qui s’écoulait
jusqu’à Vienne.
La plupart des
ponts du Danube avaient été incendiés mais
c’était ceux de Blindheim et de Gremheim qui avaient le moins
souffert. Après les avoir fait reconnaître, le
général Moreau les désigna pour effectuer le
débarquement des troupes Française sur la rive droite du
Danube. Le 16 juin, le général Lecourbe arriva sur le
Danube. Il envoya d’abord des nageurs de combat éliminer les
postes autrichiens sur la rive droite. Puis, l’officier
d’état-major Quesnot élevât une nacelle pour
faciliter la reconstruction d’un pont sur le Danube. Malgré le
feu de plusieurs batteries Autrichienne qui tirèrent presque
à bout portant, la construction du pont se fit avec
succès. Les premières unités françaises
purent alors passer sur la rive droite où ils furent
attaqués par les autrichiens. Ces attaques furent
repoussées et Lecourbe put faire passer la cavalerie
Française. Le feu de l’artillerie Autrichienne qui continuait
brisa bientôt le pont de Blindheim et les pontonniers
Français durent s’exposer au feu de l’ennemi pour le
reconstruire.
Cependant, un
bataillon Autrichien s’élança, sur le point en question.
Cela, afin d’empêcher les Français de reconstruire le
pont. Dès lors, le général Lecourbe demandât
à un des bataillons Français, qui se trouvait
posté sur la rive droite du Danube, de contre-attaquer les
Autrichiens. Pendant ce temps, les Français combattant sur la
rive droite résistaient vaillamment aux assauts ennemis. Les
deux ponts étant finalement rétablis, la brigade
Française du général Laval s’élança
et poursuivit les Autrichiens sur la route de Donawerth. Lecourbe, lui,
poursuivit les troupes Autrichiennes du général
Starray rassemblées autour du poste d’Hochstedt. A
l’approche des Français, Starray se retira sur le poste de
Dillingen où il avait laissé trois bataillons. Il y fut
poursuivi et attaqué par les Français. Dès lors,
un combat opiniâtre s’engagea autour du poste de Dillingen. Le
centre de l’armée Française, qui se trouvait sous le
commandement direct du général Moreau, parvint à
rétablir le pont coupé de Dillingen ce qui permit au gros
de l’armée Française de s’emparer enfin, du poste de
Dillingen. Culbutés à Dillingen et menacés par
Lecourbe qui débouchait du côté du poste d’Altheim,
les Autrichiens se retirèrent, bientôt, en colonnes
serrées par l’intermédiaire des plaines de Lauingen. Dans
cette retraite, l’ennemi abandonna 1800 prisonniers. Le 20 juin au
matin, par l’intermédiaire du pont de Gunzbourg, le gros de
l’armée Française du général Moreau
achevât son débarquement sur la rive droite du Danube. Le
passage du Danube et la victoire d’Hochstadt valut, aux
Français, 4000 prisonniers, vingt pièces de canon et
quatre drapeaux Autrichien. Les pertes Française se
montèrent à 1500 soldats hors de combat seulement. Durant
ces heures mémorables, Barthel avait été au cœur
des combats du passage du Danube et de la bataille de Dillingen.
Après ces
cuisants revers, l’Autriche demanda un armistice, d’autant que le 14
juin elle avait aussi été battue en Italie à la
bataille de Marengo par Bonaparte. Moreau occupa donc la Bavière
durant cet intermède qui dura plusieurs mois. Les
hostilités reprirent en décembre. Kray avait
été remplacé par l’archiduc Jean. Le 3
décembre, Moreau rencontra une nouvelle fois les autrichiens
à Hohenlinden. Barthel était aussi présent
à cette grande bataille. Après des combats
acharnés, la victoire française fut totale. Au prix de
2500 blessés et tués, les français
capturèrent 100 pièces d’artillerie et firent 11 000
prisonniers Autrichiens, dont 280 officiers. D’autre part, plus de 6000
Autrichiens étaient mort ou blessés sur le champ de
bataille. A l’issue de la bataille, Moreau s’écria : “Vous
avez conquis la paix; oui, c’est la paix que nous venons de conclure
aux champs d’Hohenlinden !” En effet après cette victoire, la
route de Vienne lui était ouverte. Les Français
passèrent l’Inn et se lancèrent à la poursuite des
autrichiens. Il y eut plusieurs combats tout au long du mois de
décembre jusqu’à ce que Moreau parvienne à
quelques journées de Vienne. Alors, en désespoir de
cause, pour sauver sa capitale, l’empereur François accepta de
signer la paix. La guerre était finie. Barthel a
participé activement à ces dernières semaines de
campagne comme l’atteste ses état : « bataille de
Dillingen, de Neubourg, et de Hohenlinden. Passade de l’Inn, plusieurs
affaires après, bataille de Woelsch près Salsbourg,
où il a eu son cheval tué sous lui, plusieurs affaires
à Lambach, et campagne d’hiver. » Ainsi à Woelsch,
si près de cette victoire totale si longtemps recherchée,
Barthel fut bien près d’être touché. Lors du
dernier combat de Lambach le 19 décembre, l’armée
approchait de Linz. La route de Vienne était ouverte. Pourtant
l’armée française n’ira pas plus loin. En effet les
belligérants sont fatigués et le temps de la paix est
venu.
Le traité
de Lunéville entre la France et l’Autriche sera signé le
9 février 1801. Le 10 octobre 1801, Alexandre Ier de Russie,
successeur de son père Paul Ier conclut une convention de paix
secrète avec Bonaparte. Enfin le 25 mars 1802, est signée
à Amiens la paix entre la France et l’Angleterre. Après
dix de guerre c’est la France entière qui se réjouit de
la paix enfin retrouvée. L’armée du Rhin peut regagner le
pays la tête haute. C’est en grande partie grâce à
elle que ce résultat fut obtenu. Après dix ans de guerre,
la république est dorénavant reconnue par toutes les
royautés d’Europe. L’épopée républicaine
est achevée.
--------------------------------------------------------------------- image: bataille de Fleurus - 1794
[1] Registres paroissiaux catholiques de Rumersheim.
[2] Registres paroissiaux catholiques de Rumersheim.
[3] Les registres paroissiaux de Hohatzenheim ont été
presque tous détruits et la plupart des dates viennent des actes
notariés ou par déductions indirectes. Ainsi il n’est pas
possible de trouver la date de décès des frères et
soeurs de CD mais en 1733, Jacob Diebold le père de CD avait 4
enfants et à son décès il n’en a plus que deux. En
février à l’inventaire de sa mère CD a 14 ans et
demi, en avril à celui de son père elle a 15 ans.
[4] Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de consulter les
inventaires en question, mais uniquement un résumé des
termes généraux sur la base internet www.geneactes.org
[5] L’inventaire de la mère de CD, Maria Winling eut lieu le 15
février 1742, celui de son père le 26 avril et son
mariage fut célébré le 21 mai.
[6] Dates déduites des dates de mariages ou age au
décès. La date de naissance de Laurent est connue
grâce à son dossier militaire.
[7] L’acte de décès de Pierre indique qu’il était
célibataire mais pour Laurent je n’ai pas trouvé son acte
de décès et je n’ai aucune certitude sur son
éventuel mariage. Toujours est-il qu’en 1830 il vivait chez ...
[8] Resencement de 1792
[9] Cette liste ne semble contenir que des chefs de famille mais il est
probable que ces hommes s’enfuirent avec leur famille.
[10] Je n’ai pas réussi à identifier ce combat. Comme il
est indiqué directement à la suite de la bataille de
Neuwied, il est possible que ce combat faisait partie de la campagne
précédente en Allemagne.